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Le centre historique d'Alghero, ceint de remparts aragonais du XVIe siècle, est l'un des mieux préservés de Sardaigne. Surnommée la "Barceloneta" sarde, Alghero conserve une forte identité catalane héritée de la domination aragonaise qui débuta en 1354. Les ruelles pavées étroites, bordées de maisons colorées aux volets en bois, révèlent à chaque coin de rue des palais gothiques catalans, des églises historiques et des places animées. Le catalan d'Alghero, l'alguerès, est encore parlé par environ 30% de la population locale. Le quartier historique se découvre idéalement à pied en flânant le long de la Via Carlo Alberto, artère commerçante principale, et de la Via Principe Umberto. Les façades aux détails architecturaux raffinés témoignent de la prospérité passée de cette ville qui fut l'un des ports les plus importants de la Méditerranée. Le soir venu, le centre historique s'anime avec ses nombreux restaurants servant des spécialités sardes et catalanes, ses boutiques d'artisanat local et ses bars à l'ambiance conviviale.

La cathédrale Santa Maria, siège du diocèse d'Alghero-Bosa depuis 1503, domine majestueusement la Piazza Duomo au cœur du centre historique. Ce monument imposant raconte l'histoire architecturale d'Alghero à travers ses multiples styles. Bien que désignée siège épiscopal en 1503, sa construction ne débuta qu'en 1567 pour s'achever seulement en 1730 après de nombreux remaniements. L'édifice originel fut conçu dans le pur style gothique catalan, dont subsistent le magnifique presbytère pentagonal à voûte étoilée, l'abside et surtout le splendide campanile octogonal de 25 mètres de hauteur, véritable symbole de la ville visible depuis de nombreux points. Cependant, la façade néoclassique avec ses colonnes doriques massives, ajoutée au XIXe siècle, contraste malheureusement avec l'harmonie gothique d'origine. L'intérieur à trois nefs révèle une architecture Renaissance avec des éléments décoratifs baroques du XVIIIe siècle. L'impressionnant maître-autel en marbre polychrome date de 1727. Le campanile se visite et offre, après 64 marches, un panorama exceptionnel sur les toits rouges du centre historique, la mer turquoise et les environs d'Alghero.

L'église San Francesco, joyau de l'architecture gothique catalane d'Alghero, fut édifiée au XIVe siècle par les frères franciscains. Ce complexe monumental représente l'un des ensembles religieux les plus fascinants de Sardaigne. L'édifice connut une histoire mouvementée puisqu'une partie s'effondra en 1593, nécessitant d'importantes reconstructions Renaissance qui ajoutèrent les nefs latérales et adaptèrent les arches. La façade, plutôt sobre, s'orne de deux rosaces et d'un portail architravé du XVIe siècle décoré du blason franciscain. Le campanile triangulaire, symbole de la Sainte Trinité, constitue un exemple remarquable du gothique catalan. À l'intérieur, le presbytère gothique tardif avec sa magnifique voûte en étoile côtoie harmonieusement les éléments Renaissance. Le maître-autel baroque en marbre polychrome du XVIIIe siècle supporte trois statues réalisées par Gian Battista Franco en 1773 représentant la Vierge, saint François et saint Antoine. La sculpture en bois dite du "Christ à la Colonne" offre une représentation atypique particulièrement émouvante. Le véritable trésor se découvre en accédant, via la sacristie, au magnifique cloître roman du XIVe siècle. Ce havre de paix, avec ses 22 colonnes en grès clair soutenant des arches en plein cintre, est un chef-d'œuvre d'architecture médiévale. L'été, il accueille des concerts dans le cadre du Festival international de musique d'Alghero, transformant ce lieu sacré en écrin acoustique exceptionnel.

Le Musée du Corail d'Alghero, installé dans l'élégante Villa Costantino de style Art nouveau du début du XXe siècle, raconte l'histoire intime qui unit Alghero à son territoire et à la Méditerranée à travers sa principale ressource : le Corallium Rubrum, le précieux corail rouge. Alghero, surnommée la capitale de la "Riviera del Corallo" (Rivière du Corail), a bâti sa réputation et sa richesse sur la pêche et le travail de cet or rouge depuis le Moyen Âge. Le musée propose un voyage fascinant à travers l'écosystème marin méditerranéen, explorant la biologie du corail, son habitat naturel et son importance dans la culture locale. Les visiteurs découvrent l'évolution des techniques de pêche au fil des siècles, depuis les méthodes ancestrales jusqu'aux pratiques contemporaines respectueuses de l'environnement. Une section importante est consacrée à l'art de la transformation du corail en bijoux raffinés, tradition transmise de génération en génération depuis le XIVe siècle. Des films pédagogiques, des panneaux explicatifs en italien et en anglais, et une collection d'objets en corail complètent l'exposition. Le musée sensibilise également à la diminution inquiétante du corail rouge en Méditerranée, les corailleurs devant aujourd'hui plonger à plus de 100 mètres de profondeur. La villa elle-même mérite le détour, étant l'une des rares villas Liberty accessibles au public à Alghero, conservant sa division intérieure originale et ses éléments décoratifs Art nouveau.

Les remparts d'Alghero, édifiés en pierre dorée par les Aragonais au XVIe siècle, constituent l'un des trésors architecturaux les plus remarquables de Sardaigne et l'une des fortifications côtières les mieux préservées de la Méditerranée. Ces murailles majestueuses ceinturent le centre historique sur plus d'un kilomètre, surplombant la mer turquoise et offrant des panoramas à couper le souffle. La promenade piétonne au sommet des bastions, appelée "La Passejada" en catalan, s'étend de la Piazza Sulis au sud jusqu'à la Porta a Mare et au port de plaisance au nord. Depuis ces remparts, la vue embrasse le Capo Caccia au loin, les eaux cristallines du golfe et les toits ocres de la vieille ville. Le parcours longe plusieurs tronçons remarquables : les Bastioni Cristoforo Colombo au sud, les Bastioni Marco Polo au centre bordés de restaurants et bars avec terrasses panoramiques, et les Bastioni Magellano vers le nord. Cette fortification était ponctuée de tours défensives stratégiques dont plusieurs subsistent encore : la Tour de Sulis (22 mètres), la Tour de San Giacomo, la Tour della Polveriera (dépôt de poudre), et la Tour de Sant'Elmo. Des canons et catapultes d'époque agrémentent le parcours, témoignant du passé militaire de la cité. Au crépuscule, la promenade devient magique avec le soleil couchant embrasant la mer, créant une ambiance romantique prisée des habitants et visiteurs. C'est l'activité incontournable à Alghero.

La Tour de Porta Terra, vestige majestueux des fortifications médiévales d'Alghero, constituait l'unique accès terrestre à la ville fortifiée jusqu'à la fin du XIXe siècle. Construite au XVe siècle, elle était originellement nommée Porta Reial (Porte Royale) et arborait fièrement les armoiries en pierre de la Couronne d'Aragon, symbole de la domination catalane. Cette imposante structure assurait le contrôle strict des entrées et sorties de la cité grâce à un pont-levis dont un garde relevait le mécanisme au coucher du soleil pour ne le rabaisser qu'à l'aube suivante. La légende raconte qu'un roi arriva devant la porte après la fermeture nocturne et dut attendre le matin pour entrer, moment où il fut reçu avec les honneurs dus à son rang. Impressionné par la rigueur du garde dans l'application des règles, le souverain le félicita personnellement. La tour servit sa fonction défensive jusqu'à la démilitarisation de la ville à la fin du XIXe siècle. Lorsque les remparts furent en partie démolis pour permettre l'expansion urbaine, la Tour de Porta Terra fut miraculeusement épargnée de la destruction. Aujourd'hui, elle accueille expositions et services culturels dédiés à la valorisation du patrimoine alguerien, proposant un voyage multimédia retraçant l'histoire et les coutumes de la ville de ses origines à nos jours. La tour symbolise le passage virtuel entre la zone historique et la ville moderne, entre passé et présent.

La Tour de Sulis, haute de 22 mètres et dominant majestueusement la Piazza Sulis, marquait l'extrémité sud de la ligne défensive des remparts d'Alghero. Construite au XVIe siècle durant la période catalane, elle portait initialement le nom de Torre de l'Esperó Reial (Tour de l'Éperon Royal) ou Torre dello Sperone. Ses murs épais de 6 mètres en faisaient une forteresse quasi imprenable. La tour prit son nom actuel au XIXe siècle en hommage à Vincenzo Sulis, tribun et révolutionnaire sarde de Cagliari qui fut emprisonné entre ses murailles pendant 22 ans, de 1799 à 1821, pour sa participation au soulèvement de Cagliari de 1794 contre la domination piémontaise. Durant son long emprisonnement, Sulis ne vit la lumière du jour que depuis l'étroite fenêtre de sa cellule. À cette tour est également liée la légende héroïque des femmes d'Alghero qui, en 1412, repoussèrent vaillamment l'attaque des troupes du Vicomte de Narbonne. Cet événement donna naissance aux "Cobles", chants traditionnels que la population honorait en accompagnant au bûcher le mannequin d'un soldat français lors de festivités annuelles. Aujourd'hui, la Tour de Sulis marque le point de départ idéal pour parcourir la magnifique promenade sur les remparts vers le nord. La Piazza Sulis adjacente, avec ses jardins ombragés, constitue un lieu de détente apprécié offrant une vue splendide sur la mer.

La Piazza Civica, ou plutôt l'élégante rue élargie qui porte ce nom, constitue l'une des artères les plus charmantes et vivantes du centre historique d'Alghero. Située juste après avoir franchi la Porta a Mare depuis le port, cette place allongée était à l'époque catalane le cœur administratif et politique de la cité fortifiée. Bordée de palais gothiques catalans aux façades ocre et beige ornées de détails architecturaux raffinés, la Piazza Civica dégage une atmosphère à la fois historique et contemporaine. Parmi ces édifices remarquables figure le Palazzo d'Albis qui abrite le célèbre Caffè Costantino, institution locale depuis des décennies où habitants et visiteurs se retrouvent pour savourer un café ou un spritz en terrasse. Les arcades couvertes offrent de l'ombre aux nombreuses boutiques d'artisanat, bijouteries proposant le travail traditionnel du corail rouge, et galeries d'art. Le soir, les terrasses des restaurants et bars s'animent, les tables débordant sur les pavés créent une ambiance conviviale typiquement méditerranéenne. Des artistes de rue et musiciens contribuent parfois à l'atmosphère festive. La place constitue également un point de passage obligé pour rejoindre les principales attractions de la vieille ville. C'est l'endroit idéal pour s'imprégner de l'authenticité alguerienne, observer le va-et-vient des habitants et ressentir le pouls de cette cité au fort caractère catalan.

L'église San Michele représente l'un des exemples les plus significatifs du style baroque en Sardaigne et constitue un joyau architectural au cœur d'Alghero. Bien que l'église originale remonte à 1364, l'édifice actuel fut entièrement reconstruit entre 1661 et 1675 dans le style baroque qui triomphait alors en Europe. La façade extérieure, plutôt sobre et sans fioritures excessives, ne laisse pas présager la richesse de l'intérieur. Le véritable emblème de cette église, visible de nombreux points de la ville, est son magnifique dôme octogonal recouvert de tuiles vernissées polychromes qui furent posées en 1950. Ce dôme multicolore, scintillant sous le soleil méditerranéen avec ses tons de jaune, vert et bleu, est devenu l'un des symboles les plus reconnaissables d'Alghero. L'intérieur présente une nef unique bordée de six chapelles latérales richement décorées de stucs, dorures et fresques baroques. Le maître-autel, centre de toutes les attentions, supporte une impressionnante statue en bois polychrome représentant l'archange Michel en armure dorée, brandissant son épée et terrassant Satan sous ses pieds. Cette œuvre d'art sacré, d'une grande force expressive, illustre parfaitement la théâtralité baroque. L'église demeure un lieu de culte actif et la communauté paroissiale y célèbre régulièrement des offices.

La Porta a Mare, dont le nom signifie littéralement "Porte de la Mer", constituait l'entrée maritime principale de la ville fortifiée d'Alghero et formait un couple stratégique avec la Porta a Terra (Porte de Terre) pour contrôler tous les accès à la cité. Cette imposante porte fortifiée médiévale, construite par les Aragonais, marquait le passage entre le port de plaisance animé et le cœur historique de la ville. Située à l'extrémité nord des remparts, au niveau des Bastioni Magellano, elle permettait aux marins, pêcheurs et marchands d'accéder directement au centre depuis les quais. Adjacent à la tour Garibaldi qui complétait le système défensif, ce passage voûté en pierre dorée témoigne de l'importance du commerce maritime pour la prospérité d'Alghero à travers les siècles. Franchir cette porte, c'est effectuer un voyage dans le temps, passant de l'animation portuaire moderne à l'atmosphère médiévale de la Piazza Civica. Les visiteurs arrivant en bateau lors d'escales de croisières ou d'excursions découvrent Alghero par cette entrée spectaculaire qui offre une première impression mémorable de la ville. Le soir, éclairée par des lanternes, la porte prend une dimension romantique et photogénique. C'est un point de repère essentiel pour s'orienter entre le front de mer et le dédale des ruelles historiques.